Les Bibles d’étude mentionnent que le texte grec de Jérémie diverge de l’hébreu, elles indiquent en notes les différences. Je voulais pouvoir lire le texte de la Septante en continu tout en ayant un œil sur le texte hébreu lui aussi en continu. C’est ce qui m’a amené à ce travail que je croyais simple et qui m’a introduit dans le vaste monde des traductions grecques de l’Ancien Testament. Encore en chantier, je mets à disposition cette ébauche; si elle peut être utile.

 télécharger JEREMIE TM+LXX (traduction parallèle de l’hébreu et du grec)
 télécharger JEREMIAH LXX – Junemann, ABP, Rahlfs, Brenton (textes grecs et traductions)
 télécharger JEREMIA POLYGLOTTA (textes hébreu, grec et latin)

Difficultés avec le texte grec

Il faut bien réaliser qu’il n’y a pas « une » version grecque du texte hébreu mais une véritable diversité de traductions, de révisions et de remaniements qui se sont étalés sur plusieurs siècles et cela dès avant notre ère: juives (« Vieux Grec », Septante, « Kaigé », Aquila, Théodotion, Symmaque…), chrétiennes (Septante, Antiochienne, Palestinienne, Origène, Lucien, Hésychius, Josippos…) et autres (Quinta, Sexta, Samariticon, partielles, anonymes…). Chaque manuscrit ancien, comme chaque édition moderne, comporte ses propres variantes. Déjà au IIIè siècle Origène se plaignait des innombrables différences entre les manuscrits grecs. Les recherches apportent leur lot de reconstructions et de théories souvent irréconciliables.

  1. On parle de deux formes principales:
  • D’une part, des versions courtes. Elles comptent entre 2 700 et 3 000 mots de moins que le Texte Massorétique (soit un septième ou un huitième du TM serait manquant). De plus, pour la deuxième partie du livre (à partir du chapitre 25) elles ont un ordre différent du TM (cf. tableau de correspondance en fin de fichier); ces recensions comportent aussi entre elles de nombreuses divergences.  Elles représentent peu de manuscrits, mais elles incluent les deux plus anciens conservés (B, S) et sont à la base des éditions critiques de référence.
    Versions imprimées: Aldine, Sixtine, Walton, Holmes-Parson, Tischendorf, Swete, Bagster, Rahlfs, Ziegler.
  • D’autre part, des versions longues. Depuis l’antiquité, des remaniements du texte ont voulu combler, pas toujours de la même façon, les lacunes du grec par rapport à l’hébreu. De nombreux éditeurs, même très anciens, ont indiqué leurs ajouts et remarques par des signes ou des notes marginales, mais ce n’est pas toujours le cas, le plus souvent ils se contentèrent d’introduire leurs ajouts sans aucun avertissement. La plupart suivent l’ordre des chapitres du TM (facilité aussi utilisée par nombre de logiciels bibliques). Elles représentent la majorité des manuscrits souvent tardifs mais dont les origines remontent au moins au IIIè siècle; on distingue plusieurs familles: hexaplaire (Origène), lucianique, hésychienne (Q, V)[1], Alexandrine (A), Catena (chaînes exégétiques des Pères de l’Eglise).
    Versions imprimées: Complutense, Grabe, Bos, Hexaglot, Apostolic Bible Polyglot.

On a été surpris de trouver à Qumran des manuscrits hébreux (très fragmentaires) qui corres­pondent aux deux formats: le court (4QJrb,d ) et le long (4QJra,c). Certains pensent donc qu’il y a eu, dès avant notre ère, deux éditions en circulation et cela pendant plusieurs siècles. Le TM, par le vocabulaire et les additions (détails, épithètes du Seigneur, introductions, chronologies, clarifications, homogénéisations, répétitions…) refléterait alors une époque plus tardive que le texte court. Faut-il  préciser que les spécialistes ne sont pas d’accord entre eux !

Il est donc très difficile de comparer deux textes ou deux traductions modernes de la LXX, aucun n’utilisant la même source qui, de plus, est sans cesse amendée !

Les trois principales différences idéologiques entre le TM et la LXX consistent en l’insistance du TM: sur Babylone (ex.: TM25), sur Jérémie plutôt que sur Baruch (ex.: TM36.6,32/LXX43.6,22) et sur la promesse d’un futur gouverneur davidique et le rétablissement du culte (ex. TM33.14-26/LXX omet).

Nous proposons le seul texte disponible en français, celui de Giguet, il s’appuie sur une version courte; nous mettons entre crochets les ajouts des versions longues et en note leurs sources (voir le fichier «JEREMIAH LXX – Junemann, ABP, Rahlfs, Brenton» qui propose en parallèle les deux versions grecques et leurs traductions).

La numérotation est un autre tracas sans nom

La Polyglotte Complutense (1517) s’alignant sur l’hébreu, en conserve la numérotation des chapitres (les divisions en versets n’étaient pas encore utilisées). C’est l’édition Sixtine (1587) qui définira les chapitres de la version courte et qui restera la référence jusqu’au XXè siècle.

Les versets seront introduits dans la Polyglotte de Walton (1657). Depuis le XXè siècle, chaque éditeur semble avoir voulu adopter « sa » versification, aucune n’arrivant à s’imposer. Ce qui fait, par exemple, que le verset 29.7 dans Walton, Field, ou Bagster, correspond à 29.8 chez Tischendorf, Swete, Ziegler, à 30.1 chez Rahlfs et à 49.7 chez ABP !

Quelques auteurs conservent l’ordre et la numérotation des chapitres du TM (ABP, Jun, nombreux logiciels). Depuis Rahlfs, ils gardent généralement la numérotation des versets du TM, mais certains commencent chaque chapitre à partir d’un verset numéroté 1 et omettent les numéros des versets non présents (Giguet parfois, OLB), la majorité sautent les numéros des versets omis (Bagster, Rahlfs, Ziegler) alors que d’autres ajoutent des versets vides à la fin du chapitre (OLB).

Nous gardons la numérotation de Giguet et indiquons les autres en rouge en tête de chapitre, et entre crochet à chaque paragraphe quand elles ne correspondent pas à celle du TM ou quand cela semble nécessaire.

Nous avons introduit des lettres après certains numéros de versets (ex.: 2.2) quand ceux-ci étaient divisés ou que le même numéro (dans TM et LXX) ne correspondait pas au même texte (ex.: 25.14) ou même quand un chapitre a deux fois le même numéro de verset ! (ex: 29.7 chez Bagster).

A remarquer qu’il y a aussi quelques variantes de numérotation pour le texte hébreu.

Principaux manuscrits de la LXX Principales traductions anciennes
suivant la LXX
On a retrouvé plus de 175 papyrus frag- mentaires, certains du IIè s. av. notre ère.

On a une trentaine de manuscrits onciaux; des plus anciens, les suivants contiennent Jérémie :

S         IVè s.        Sinaiticus
B          IVè s.        Vaticanus
A          Vè s.         Alexandrinus
Q         VIè s.        Marchalianus
V          VIIIè s.     Venetus

On a près de 1600 manuscrits minuscules.

Vieille Latine
Copte (Bohaïrique et Saïdique)
Syro-hexaplaire
Peshitta (pour les deutérocanoniques)
Ethiopienne
Arménienne
Géorgienne
Arabes

Textes des traductions utilisées

Pour l’hébreu on a choisi la version de Louis Segond 1910, pour le grec on a pris la version de Giguet 1872. Pour avoir un texte plus critique, nous avons entamé une révision de cette dernière à partir du texte parallèle aligné d’Emanuel Tov. Les chapitres les plus avancés sont: 1-2, 10, 23, 25, 29, 31, 38, 39. Pour la Segond, des modifications sont fréquentes (ex. LXX38/TM31) afin de faire ressortir les nuances entre l’hébreu et le grec, et pour corriger quelques coquilles.

L’italique grisé signale des mots indispensables au français mais qui ne figurent pas dans le texte source. Les mots ajoutés par les versions longues ont été mis entre crochet et en italique grisé.

A noter que Giguet utilise le vouvoiement envers Dieu, ce n’est le cas ni du grec ni de l’hébreu.

La Bible d’Alexandrie n’a hélas pas encore traduit Jérémie, nous avons eu recours aux autres versions disponibles en anglais et en espagnol  (Br, NETS, ALT, Jun, BGS).

Abbréviations et couleurs

S                            Codex Sinaïticus (IVè siècle) version courte
A                            Codex Alexandrinus (Vè siècle) version longue
Aq                          AT version grecque juive d’Aquila
ABP                        Apostolic Bible Polyglot (grec et anglais 2006) propose une version longue
selon ses ropres critères (proche de PC et les notes de Bos)
ABPT                     traduction anglaise de ABP quand elle diffère du grec de ABP
Ald                         LXX Aldine (Aldus 1518) proche du codex B
ALT                       Analytical-Literal Translation of the Septuagint, vol.4 The Prophetic Books
2014 selon Rahlfs
Aram                     araméen
Arm                       Arménien
AT                          Ancien Testament
B                             Codex Vaticanus (IVè siècle) version courte; c’est le mss. le plus utilisé,
Bag                        LXX de Bagster (1851) selon le codex B
Br                           Brenton (traduction anglaise de 1851) selon le texte de Bagster
(il existe de nombreuses révisions récentes  dont CAB et LXX2012)
BGS                       Biblia Griega – Septuaginta (vol.4 livres prophétiques) Natalio Fernández                                       Marcos
Copt                      Copte (Bohaïrique ou Saïdique)
Chr                         Chrysostome (IVè s.)
corr                        correction
Eth                         Ethiopien
Gig                         Giguet ( 1851 pour Jer) traduction française selon la Sixtine
Jun                         Jünemann (traduction espagnole de 1928) très littérale selon une version
courte non connue (B, S, A ?)
K                           kétiv (dans le TM: texte écrit mais corrigé par le Qéré)
litt                        littéralement
LSG                        traduction Louis Segond 1910 (sur l’hébreu)
LXX                        abréviation conventionnelle pour la Septante
Mss                       manuscrit(s)
NETS                     New English Translation of Septuagint 2007, selon le texte de Ziegler
OLB                       logiciel Bible Online (édition de Rahlfs selon le CCAT)
om                         omission, omet
PC                          Polyglotte Complutense (1517) première impression du texte grec de l’AT (et du NT), version longue hexaplaire (à partir de mss. anciens) en parallèle au TM
pl                            pluriel
Q                            qéré (dans le TM: texte corrigé à lire à la place du texte écrit/kétiv)
Qm                        codex Marchalianus (VIè siècle), version longue
Ra                           LXX Rahlfs 1931, révisé en 2006 par Hanhart; texte le plus utilisé par
les logiciels
SEG21                   note de la traduction Segond 21 Bible d’étude (sur le texte hébreu)
sg                           singulier
Sixt                        LXX Sixtine (1587) à partir du codex B, elle fut longtemps le texte de
référence
Syr                         traduction syriaque (Peshitta ou Syro-hexaplaire selon le contexte)
Tg                           Targum (traduction paraphrasée araméenne)
Tht                         Theodoret (Vè s.)
TM                         Texte Massorétique (Bible hébraïque), on a utilisé le texte de BHS
Trad                       traduction, toutes les traductions modernes (Gig,Br,Jun,NETS)
V                             codex Venetus (VIIIè siècle), version courte. Il correspond en fait au
deuxième volume du codex N (Basiliano-Vaticanus)
Vg                          Vulgate (version latine de Jérôme au IVè siècle à partir de l’hébreu)
VL                           Vetus Latina (traduction(s) latine(s) antérieure(s) à Vg faite(s) sur la LXX)
dès 250
Zi                            Ziegler (Göttingen LXX, 1957 pour Jer) texte critique à partir de B, @, A

Grabe                  LXX 1707-1709 selon A + hexaplaire (en caractères plus petits et des
astérisques), suit l’ordre et le texte de TM
Bos                        LXX 1709 suit Sixtine + hexaplaire (codex Sarravianus) en notes (utilisée par
ABP)
Holmes-Parson LXX 1798-1827, la plus importante collecte de variantes tirées de près
de 300 mss
Tischendorf        LXX d’Oxford 1850-1887 7è ed. révisée par Nestle sur la Sixtine avec apparat
critique de B, S, A
Swete                  
LXX de Cambridge 1887-1894 suit B avec un très grand apparat critique
de Levante          The Hexaglot Bible (1906) version longue suivant le TM, à partir du texte de
Tischendorf, il ajoute les passages de PC et A (elle n’est citée que quand elle
a des ajouts omis par ABP).

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[1] La notion de famille est parfois difficile à déterminer et les auteurs ne sont pas toujours du même avis, de plus il peut y en avoir plusieurs dans un même manuscrit, voire dans un même livre.